Il y a encore quelques années, les robots humanoïdes suscitaient chez nous deux émotions : l'admiration pour les vidéos de Boston Dynamics avec des sels et la nostalgie de Terminator. Mais en 2025, ils assemblent déjà des voitures dans les usines BMW, transportent des boîtes pour Amazon et apprennent à faire du café dans les cafétérias des hôpitaux. Ce n'est pas de la science-fiction : c'est l'économie du futur, qui arrive plus vite que nous ne pouvons mettre à jour le micrologiciel de nos propres smartphones.
Découvrons qui se cache derrière cette vague d'"évolution du fer", pourquoi le marché des humanoïdes risque de devenir un marché de mille milliards de dollars d'ici à 2050, et si nous devons craindre d'être en concurrence pour les emplois avec des machines qui ne prennent jamais de congés de maladie.
Pourquoi maintenant : l'ère des humanoïdes a commencé
En 2025, l'industrie de la robotique humanoïde a enfin cessé d'être un club d'ingénieurs enthousiastes pour devenir une entreprise sérieuse. Voici les raisons de cette croissance :
- L'intelligence artificielle de nouvelle génération : les grands modèles de langage (LLM) tels que l'OpenAI GPT apprennent désormais aux robots non seulement à parler, mais aussi à agir dans le monde physique.
- Des milliards d'investissements : le marché reçoit chaque année plus d'un milliard de dollars en capital-risque et en investissements stratégiques de la part de Google, Microsoft et NVIDIA.
- Pénurie de main-d'œuvre : aux États-Unis et dans l'Union européenne, les entrepôts et les usines connaissent une pénurie aiguë de travailleurs, en particulier pour les postes "difficiles" et monotones.
- Actuellement, les robots humanoïdes représentent moins de 1 % du marché des robots industriels, mais MarketsandMarkets prévoit que ce marché passera de 2,92 milliards de dollars en 2025 à 15,26 milliards de dollars en 2030. Morgan Stanley parle d'un marché potentiel de 5 000 milliards de dollars d'ici à 2050. Ces prévisions supposent que près d'un milliard de robots humanoïdes seront mis en service d'ici le milieu du siècle, dont la grande majorité (90 %) sera utilisée à des fins industrielles et commerciales.
Près d'un milliard de robots humanoïdes seront mis en service d'ici le milieu du siècle.
Les principaux acteurs : qui construit l'armée humanoïde ?
Qui sont ces acteurs ? Que peuvent-ils faire ? Et pourquoi les investisseurs, d'OpenAI à Jeff Bezos, investissent-ils dans ces entreprises comme si c'était le Vendredi noir ?
Figure AI (Figure 02)
La société californienne Figure AI développe Figure 02, un robot humanoïde destiné à des applications industrielles et logistiques. Le robot mesure 1,7 m, pèse 60 kg et peut soulever des charges allant jusqu'à 25 kg. Figure 02 dispose d'une intégration puissante avec les modèles de langage étendus d'OpenAI, ce qui lui permet d'effectuer des tâches basées sur des commandes vocales complexes et de comprendre le contexte des situations. Figure AI travaille avec BMW, où Figure 02 est testée à l'usine de Spartanburg, en Caroline du Sud, où elle effectue des tâches telles que le transport et le tri de composants. L'entreprise compte de solides investisseurs : NVIDIA, Microsoft, OpenAI et Jeff Bezos. Le montant total du financement a déjà atteint 675 millions de dollars. L'avantage stratégique de Figure AI réside dans la combinaison du matériel avec des fonctions cognitives avancées. Le défi de Figure AI est de transformer les programmes d'essai réussis en solutions commerciales à part entière et de réduire encore le coût des robots.
Le robot est déjà testé à l'usine BMW de Spartanburg, en Caroline du Sud. Figure 02 y déplace des tôles et d'autres composants, démontrant ainsi sa capacité à travailler dans un environnement où l'automatisation traditionnelle n'existe pas. L'entreprise a misé non pas sur le matériel, mais sur l'intégration de l'IA, qui permet au robot d'apprendre de nouvelles tâches et de s'adapter à des situations imprévues.
Apptronik (Apollo)
Apptronik, une startup américaine basée au Texas, a créé Apollo, un robot humanoïde spécialement conçu pour un usage industriel. Le robot mesure 1,73 m et peut soulever jusqu'à 55 kg. La principale caractéristique d'Apollo est sa conception modulaire, qui lui permet de s'adapter facilement à diverses tâches, notamment la production automobile et la logistique. Parmi les principaux partenaires d'Apptronik figurent Mercedes-Benz et GXO Logistics, qui testent Apollo dans leur production et leurs entrepôts. Le robot utilise une intelligence artificielle créée en collaboration avec Google DeepMind, ce qui lui permet d'effectuer des tâches complexes avec une grande précision. Apptronik a également créé une filiale distincte, Elevate Robotics, pour développer la robotique industrielle. En 2025, l'entreprise a reçu un financement important (403 millions de dollars), notamment de Google et de Mercedes-Benz. Le principal défi d'Apptronik est d'augmenter la production et de prouver la rentabilité d'Apollo dans un environnement industriel.
Agility Robotics (Digit)
La société américaine Agility Robotics s'est fait connaître par l'humanoïde Digit, développé sur la base de recherches dans le domaine du mouvement dynamique à l'université d'État de l'Oregon. Digit est un robot bipède d'une hauteur d'environ 1,2 m et d'un poids d'environ 30 kg. Il est doté de jambes à courbure inversée qui lui permettent de marcher de manière stable et efficace. Digit est conçu pour résoudre des tâches spécifiques dans le domaine de la logistique et de l'automatisation des entrepôts, telles que le transport de boîtes, de conteneurs et d'autres marchandises. Amazon et GXO Logistics figurent parmi les principaux clients qui ont déjà réalisé des essais pilotes de Digit. Agility Robotics a ouvert une usine RoboFab dans l'Oregon pour produire plusieurs centaines de robots par an. Le principal défi pour l'entreprise est d'étendre les applications commerciales, d'assurer une grande fiabilité des robots pour travailler dans des environnements complexes et diversifiés, et de réduire les coûts. Digit est vendu à plus de 250 000 dollars, mais il est également disponible en tant que modèle de robot en tant que service (RaaS) à un prix estimé à 10 dollars de l'heure.
Tesla (Optimus)
Tesla, dirigé par Elon Musk, veut révolutionner la robotique comme il l'a fait pour les voitures électriques. Son projet Optimus est un robot humanoïde universel mesurant environ 1,73 m et pesant 57 kg. Les caractéristiques du projet sont un prix extrêmement bas (moins de 20 000 dollars) et l'intégration de technologies d'intelligence artificielle développées pour le pilote automatique de Tesla. Optimus n'utilise que des caméras pour la perception de l'environnement (pas de LiDAR). En 2025, il est prévu de produire 5 000 unités, et d'ici 2026, d'augmenter la production à 50 000 unités par an. Malgré ces plans ambitieux, le robot en est encore au stade de la recherche et n'a pas d'applications commerciales. Le principal défi reste la faisabilité économique réelle d'une telle solution universelle, ainsi que la résolution des problèmes éthiques et sociaux liés à son intégration dans la société.
Boston Dynamics (Atlas)
Boston Dynamics reste un symbole des réalisations de pointe dans le domaine de la mobilité des robots. Atlas, son robot le plus célèbre, fait preuve d'une agilité étonnante depuis plus d'une décennie, allant du parkour à des mouvements de gymnastique complexes. En 2024, l'entreprise est passée de l'hydraulique à l'électrique, une étape vers la commercialisation d'Atlas. Cette transition a rendu le robot plus silencieux, plus puissant et plus économe en énergie. Boston Dynamics se concentre désormais sur les applications pratiques dans l'industrie et la logistique, où Atlas peut travailler aux côtés des humains. Néanmoins, Atlas reste avant tout une plateforme de recherche qui établit des normes dans le domaine des robots humanoïdes. Le principal défi pour Boston Dynamics est de réduire les coûts et d'adapter les technologies complexes d'Atlas aux applications industrielles réelles.
Sanctuary AI (Phoenix)
L'entreprise canadienne Sanctuary AI a créé Phoenix, un humanoïde visant à atteindre les niveaux d'intelligence et de motricité humains. Phoenix mesure 1,65 m, pèse environ 55 kg et possède des mains à cinq doigts extrêmement développées qui lui permettent d'effectuer des manipulations complexes : plier des vêtements, trier des marchandises, etc. Sanctuary AI repose sur l'intégration d'une intelligence artificielle puissante avec des capteurs de haute précision, ce qui permet à Phoenix d'opérer efficacement dans les secteurs des services et de l'industrie légère. En 2025, les programmes pilotes se poursuivront, mais le robot n'est pas encore utilisé commercialement en masse. Le principal défi pour Sanctuary AI est de démontrer l'efficacité commerciale évidente du robot et de l'adapter à un large éventail de tâches en dehors du laboratoire.
Unitree Robotics (G1)
La société chinoise Unitree Robotics, connue pour ses robots quadrupèdes, a créé un modèle humanoïde, le G1, qui coûte 16 000 dollars. L'idée principale de G1 est de rendre les robots humanoïdes accessibles à un large éventail de chercheurs, d'établissements d'enseignement et de développeurs. Le robot est principalement axé sur la recherche et le développement. Il ne possède pas de capacités de manipulation extrêmement sophistiquées, mais il est capable de marcher de manière stable et de se déplacer. L'objectif stratégique d'Unitree est de former une large communauté autour de G1 qui développera son logiciel de manière indépendante. Cela permettra d'accélérer considérablement l'adaptation des humanoïdes aux tâches du monde réel. Le défi pour Unitree Robotics reste de maintenir un équilibre entre un prix bas et des fonctionnalités suffisantes pour que le robot soit réellement utile en dehors des laboratoires.
Fourier Intelligence (GR-1/GR-2)
Fourier Intelligence est spécialisée dans les humanoïdes médicaux(GR-1 et GR-2) destinés à la rééducation et aux soins médicaux. L'entreprise chinoise met activement à profit son expérience dans le développement d'exosquelettes médicaux pour créer des assistants robotiques. En 2025, Fourier a attiré plus de 109 millions de dollars d'investissements pour stimuler le développement. Les robots GR-1 et GR-2 peuvent apporter un soutien physique aux patients pendant leur rééducation et effectuer un suivi de leur état de santé, ce qui répond aux besoins croissants de la Chine en matière de personnel médical et de soins aux personnes âgées. Toutefois, l'entreprise en est encore au stade de la mise en œuvre commerciale et de la recherche, et le principal défi consiste à s'assurer que les robots sont suffisamment précis, fiables et sûrs pour travailler aux côtés des personnes dans les établissements médicaux.
Wandercraft (Calvin)
La société française Wandercraft, qui a gagné en popularité dans le domaine des exosquelettes médicaux, développe actuellement activement l'humanoïde industriel Calvin. Il s'agit d'un robot développé en partenariat avec le groupe Renault et destiné à être utilisé dans les usines automobiles. Calvin bénéficie de l'expérience de l'entreprise dans la création de systèmes mécaniques de haute précision. Le robot est encore en phase de développement, mais les perspectives d'application commerciale sont prometteuses grâce au soutien important de Renault. Le défi pour Wandercraft est de transformer des technologies médicales spécialisées en solutions industrielles plus polyvalentes pouvant être intégrées efficacement dans la production de masse.
NEURA Robotics (4NE-1)
L'entreprise allemande NEURA Robotics est un acteur européen de premier plan dans le domaine des robots humanoïdes. Elle développe activement le projet 4NE-1, un "robot cognitif" destiné à des applications industrielles et de service. L'objectif principal est de créer des machines autonomes capables de travailler directement aux côtés de l'homme grâce à l'intégration profonde de l'intelligence artificielle avancée et des technologies de détection modernes. La particularité de 4NE-1 est son propre écosystème Neuraverse, qui permet aux robots de reconnaître l'environnement, de prendre des décisions et d'effectuer des tâches de manipulation complexes. En 2025, NEURA Robotics a attiré 120 millions d'euros d'investissements, dont Volvo Cars Tech Fund et Lingotto Investment Management en tant que partenaires stratégiques. Les principaux défis de NEURA Robotics restent l'augmentation de la production, la garantie de la sécurité des personnes dans les zones de travail partagées et la poursuite du développement de la plateforme logicielle Neuraverse afin de garantir une adaptabilité et une efficacité maximales du robot 4NE-1 dans un large éventail d'applications commerciales réelles.
1X Technologies (NEO)
1XTechnologies est une société américano-norvégienne qui développe activement le robot humanoïde universel NEO. L'idée principale de ce robot est de lui permettre d'effectuer un large éventail de tâches de manière autonome, tant dans l'industrie que dans l'environnement domestique. NEO est basé sur l'intelligence artificielle Redwood, propriété de la société, intégrée au modèle avancé GR00T de NVIDIA. Cela permet au robot de reconnaître et d'effectuer efficacement des tâches ménagères telles que le nettoyage, le tri et d'autres tâches ménagères, et il est également capable de s'adapter aux environnements industriels. Parmi les principaux investisseurs et partenaires de la société figurent OpenAI et NVIDIA, ce qui confirme les ambitions sérieuses de 1X Technologies dans le développement des fonctions cognitives de NEO. En 2025, le robot est encore à l'état de prototype, mais il montre déjà des résultats prometteurs. Le principal défi de l'entreprise est de trouver un équilibre entre la fonctionnalité, le prix abordable et la fiabilité et la sécurité du travail aux côtés des humains.
Pourquoi les investisseurs sont enthousiastes (et un peu effrayés)
Les investisseurs sont euphoriques (mais aussi un peu nerveux) parce que les robots humanoïdes commencent à être de plus en plus réalistes. Le coût actuel d'un tel robot varie entre 30 000 et 150 000 dollars. Tesla promet de créer son Optimus pour le prix fantastiquement bas de 20 000 dollars, mais même les ingénieurs expérimentés de Boston Dynamics accueillent ces déclarations avec un sourire sceptique. Cependant, malgré les doutes sur les coûts, les chiffres de rentabilité sont impressionnants : Toyota fait déjà état d'économies de 4,7 millions de dollars par an et par ligne de production, et Samsung a démontré une augmentation de 52 % de la vitesse du cycle de production et une réduction de 36 % des rejets. En moyenne, la période d'amortissement d'un robot humanoïde a été ramenée à 18-24 mois, contre 36-48 mois en 2019. Il n'est donc pas surprenant que le marché des robots humanoïdes suscite un réel intérêt de la part des investisseurs.
Où les robots humanoïdes sont-ils déjà utilisés ?
Les robots humanoïdes sortent avec assurance des laboratoires et s'intègrent progressivement à l'économie réelle. Dans le secteur manufacturier, des géants de l'automobile tels que BMW, Mercedes-Benz et Toyota emploient déjà activement des robots humanoïdes dans leurs usines, où les robots se chargent des tâches les plus difficiles et les plus monotones sur les convoyeurs. La logistique n'est pas en reste : Digit, le robot bipède d'Agility Robotics, fait l'objet d'essais pilotes dans les entrepôts d'Amazon et de GXO Logistics, où il trie des colis et transporte des conteneurs. Le secteur médical n'est pas en reste : la Chine lance un programme à grande échelle pour déployer 200 robots humanoïdes dans les maisons de retraite. Leur tâche ne consiste pas seulement à aider aux tâches ménagères et à la surveillance de la santé, mais aussi à communiquer socialement. Enfin, dans les zones particulièrement dangereuses, telles que les sites de catastrophes naturelles ou les installations nucléaires, le robot quadrupède Spot de Boston Dynamics est déjà activement utilisé. Bien que Spot ne soit pas encore un humanoïde, il est un prédécesseur direct des robots humanoïdes, qui seront la prochaine étape logique dans de telles conditions.
- Usines - BMW, Mercedes-Benz et Toyota utilisent des humanoïdes sur des convoyeurs pour des tâches lourdes et monotones.
- Entrepôts - Digit Agility Robotics est testé chez Amazon et GXO Logistics - il déplace des conteneurs et trie des colis.
- Soins de santé - La Chine lance 200 robots humanoïdes dans des maisons de retraite pour aider aux tâches ménagères, à la communication et à la surveillance de la santé.
- Zones dangereuses - Boston Dynamics Spot (pas encore un humanoïde, mais un proche parent) vérifie déjà les ruines et les installations nucléaires. Les humanoïdes sont la prochaine étape.
Problèmes : batteries, éthique et "danses gênantes"
Malgré toute l'euphorie entourant les robots humanoïdes, l'industrie est confrontée à un certain nombre de problèmes sérieux. Le premier d'entre eux est celui des batteries : même les modèles les plus avancés aujourd'hui ne peuvent tenir plus de 1 à 4 heures sur une seule charge, ce qui limite considérablement leur autonomie et nécessite de les recharger ou de les remplacer en permanence. Le deuxième défi, non moins important, est celui de l'intégration sociale. Les gens ne sont peut-être pas encore prêts à considérer un humanoïde comme un collègue à part entière, plutôt que comme un concurrent qui leur prend leur emploi. Enfin, le troisième domaine, le plus délicat, est celui de la responsabilité éthique : la question se pose de savoir qui sera tenu pour responsable si le robot commet une erreur, par exemple s'il casse une machine à café au bureau ou s'il commet une grave erreur dans un hôpital.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Malgré les obstacles, les analystes sont optimistes : la robotique humanoïde se développera par étapes. La première phase (2025-2030) concernera les environnements structurés tels que les usines et les entrepôts, où les robots travailleront selon des règles et des tâches claires. Au cours de la deuxième phase (2030-2035), les robots évolueront progressivement vers des espaces semi-structurés, tels que les hôtels, les centres commerciaux et les hôpitaux, où un comportement plus souple sera nécessaire. Ce n'est qu'après 2035 que l'on peut s'attendre à une intégration massive des robots dans les foyers, où ils deviendront enfin des assistants humains au quotidien.
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